La Minette
La Minette à Ercé près Liffré
| La Minette à Ercé près Liffré | |
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| La Minette à Ercé lieu-dit La Boule d'Or | |
| Région |  Bretagne
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| Département |  Ille-et-Vilaine
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| Commune |  Ercé près Liffré
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| Evènement | Aqueduc souterrain |
| Période | 1880 - 2012 |
| Références | |
| Collection | Archives Au Fil d'Ercé, collection privée |
| Rédacteur(s) | Jean Genouël - Monique et Robert Chasle |
L’aqueduc de la Minette est l’un des ouvrages qui approvisionne la ville de Rennes en eau potable. Il a été construit en 2 ans, entre 1880 et 1882. L'ouvrage achemine l'eau, captée dans les nappes souterraines qui alimentent les sources de la Minette et de la Loisance, depuis 1882. Le problème de l'approvisionnement en eau se pose à Rennes au milieu du xixe siècle, dans un souci de santé publique, car l'eau des puits est insuffisante, tant en quantité qu'en qualité (insalubrité). C'est Armand Robinot de Saint-Cyr, le maire de Rennes en 1863, qui sollicite l'architecte de la ville, Jean-Baptiste Martenot. Celui-ci, lui propose de capter les eaux de la Minette et de la Loisance, situées à 60 kilomètres de Rennes, et qui présentent une excellente qualité, grâce au granite, et de les acheminer par un aqueduc. Son projet fut retenu en 1873
Sommaire
Une Minette de plus de 135 ans
Une Minette de plus de 135 ans, cela a de quoi surprendre mais ici il s’agit d’une rivière, point de départ du premier réseau d’adduction d’eau de la ville de Rennes et qui lui a donné son nom. Cet aqueduc traverse Ercé de part en part, du nord au sud et si pour les anciens Ercéens cet ouvrage n’est pas un inconnu, il est possible que nombre de promeneurs, de randonneurs l’ait longé sans prendre conscience de l’extraordinaire construction terminée en 1882 et en fonctionnement pendant 130 ans. Même si elle affleure en plusieurs endroits de la commune où l’on peut voir quelques regards et tuyaux, la plupart du temps elle constitue une véritable rivière souterraine pouvant descendre jusqu’à quelque 20 mètres de profondeur. Construire en 2 ans ( 1880 - 1882 ) un aqueduc utilisant uniquement la pente naturelle avec une dénivellation de moins d'un millimétre par métre en moyenne sur une distance de plus de 42 kilomètres représentait pour l’époque une prouesse technique. Jusqu’en 1963, la Minette fut la seule source d’alimentation en eau de la ville de Rennes. Et elle fournit toujours ses milliers de mètres cubes d’eau en complément des nouveaux captages de Rophémel ( 1963 ) et de la Chèze ( 1975 ).
L’eau : un grave problème pour Rennes au XIXè siècle
Pour comprendre l’importance de cet aqueduc, il faut se reporter aux conditions de vie d’une ville comme Rennes au milieu du 19ème siècle. A l’époque l’eau était rare dans Rennes. Par exemple, il n’y avait pas d’eau dans les casernes et les chevaux venaient s’abreuver à une sorte d’auge très longue que l’on remplissait en y faisant monter, avec une pompe, l’eau de la Vilaine ; des particuliers possédaient quelques puits et il y avait trois ou quatre puits publics. Autre solution pour s’approvisionner : les porteurs d’eau.
D’autre part, l’eau était de très mauvaise qualité, contenant un taux important de sels terreux ; de plus, les égouts étaient trop petits et peu nombreux, il y avait peu de fosses d’aisance dans les maisons. Les conditions d’hygiène étaient détestables et Rennes était considérée comme une des villes les plus déshéritées.
Une grande mortalité régnait à Rennes liée à des épidémies, fièvre typhoïde, dysenterie… Selon un médecin de l’époque, la moitié de la population buvait des eaux empoisonnées.
Seules les industries qui utilisaient l’eau de la rivière pouvaient fonctionner, car les dépôts salins de l’eau des puits entraînaient une usure rapide des machines à vapeur, réduisant leur durée de vie de moitié.
S’ajoutait à tout cela la très grande difficulté à combattre sérieusement les incendies qui étaient fréquents et faisaient de terribles ravages même s’ils n’atteignaient pas l’ampleur de celui de 1720.
Le choix de la Minette
Pourtant de nombreuses tentatives avaient été faites pour faire venir l’eau par canalisation des campagnes environnantes, notamment de la vallée de l’llle du côté de Saint-Grégoire, vers 1493. La conduite, longue de 6 kilomètres ne fut terminée qu’en 1546 mais les tuyaux en bois et en poterie éclatèrent sous la pression : ce fut un échec. Les Rennais retournèrent au vieux système et creusèrent de nouveaux puits.
Au 17ème siècle, on revint au projet de captation des sources de Saint-Grégoire mais en 1720 le travail fut en partie détruit par les perturbations dues au grand incendie qui ravagea le centre de Rennes.
Une nouvelle tentative en 1760 échoua malgré le coût important des travaux ; des erreurs de niveaux empêchèrent son bon fonctionnement. Et la disette perdura !
En 1860, Robinot de St Cyr, Maire de Rennes, demanda à Martenot, alors inspecteur des travaux du Louvre et des Tuileries de Paris, de venir faire une étude et des propositions pour alimenter Rennes en eau potable. Il repéra certaines sources vers la forêt de Haute-Sève entre les communes de Saint-Aubin-du-Cormier, Gahard, Ercé et Gosné qui pourraient débiter de 6000 à 7000 métres cubes ( m3 ) par jour et à hauteur suffisante pour amener l’eau à Rennes par gravité. Après analyse par la faculté des sciences, il fallut revenir à une triste réalité : une grande partie de ces sources était de qualité très médiocre. Martenot continua ses recherches plus au nord et quitta le bassin de la Vilaine, passa sur le versant de la Manche et arriva sur les bords de la Minette et de la Loysance : l’eau était limpide grâce au granit, avec un débit important de 16000 m3 par jour et une altitude de départ de 91 m pour une arrivée au Thabor de 55 m. Entre temps, d’autres projets virent le jour sur la Vilaine, l’Ille... mais sans résultats. Les maires de Rennes changèrent : Guistière puis Martin, et aucune décision ne fut prise. Une autre proposition fut faite par M. Gandon, propriétaire à Gosné, qui envisagea de refaire l’étang de la Bienais pour créer une retenue d'eau afin d'approvisionner la ville de Rennes.
En 1874, le conseil municipal de Rennes opta enfin pour le projet de la Minette proposé par Martenot. L’ingénieur Brière fut chargé de l’étude. Pour obtenir un décret d’utilité publique du ministère de l’Intérieur, un registre fut déposé dans chaque commune où le tracé de l’aqueduc devait passer dont Ercé. Un tollé général s’éleva contre le projet ; on craignait pour les moulins des rivières concernées qui manqueraient d’eau et aussi pour l’agriculture. La ville de Fougères créa un syndicat de défense des intérêts du pays. On fit circuler des pétitions imprimées.
En 1875, le ministre de l’Intérieur demanda un complément d’enquête suite à toutes ces agitations : cruelle déception pour les Rennais !
En 1878, des élections législatives modifièrent le paysage politique et le 30 juin 1879 parut enfin le décret d’utilité publique qui autorisait le captage des eaux de la Minette et de la Loysance. Ce fut une grande déception pour le pays de Fougères mais un triomphe pour les Rennais.
Le 28 juin 1880 Le Bastard, Maire de Rennes, mit les travaux en adjudication et seulement deux ans plus tard, en 1882, on inaugura, aux cris de " Vive Le Bastard ! Vive Martenot ! ", l’arrivée des eaux à Rennes, place de la Motte. Ce fut une grande fête.
La construction
Au départ, les passions politiques et les pressions avaient obligé le législateur à prendre un décret d’utilité publique avec des mesures draconiennes pour la ville de Rennes. Il fixait à 5000 m3 par jour seulement le volume d’eau que celle-ci pouvait capter dans les vallées de la Minette et de la Loysance. La ville devait aussi créer des retenues de compensation de manière à apaiser les craintes des riverains, meuniers, agriculteurs… Mais l’ingénieur chargé des travaux, fort d’une expérience précédente à Limoges, proposa un système de captage des eaux souterraines : il s’agissait de creuser des tranchées très profondes, atteignant le socle granitique.
Au fond de ces tranchées, on faisait un aqueduc de 20 à 40 cm recouvert de pierres concassées et de mousse, le système se bouchait peu à peu ; la pierre concassée et la mousse furent remplacées dès 1899 par une maçonnerie de ciment.
Grâce à ce système de captage, le débit fut considérablement augmenté et dépassa le volume autorisé de 5000 mètres cubes par jour pour atteindre 12000 mètres cubes sans diminuer le débit de la Minette et de la Loysance. En fait l’aqueduc dit de la Minette ne puise pas son eau dans cette rivière (ni dans la Loysance) mais dans des sources souterraines plus profondes que le lit des rivières existant dans ces vallées. C’est plutôt la vallée de la Minette qui a donné son nom à ce réseau plus que la rivière elle-même.
Le parcours de la Minette
L’aqueduc principal mesure plus de 42 Km et traverse la ligne de faîte entre les vallées de la Minette et du Couesnon, la ligne de crête de la forêt de Haute-Sève, franchit les vallées du Couesnon, de l’Illet et de la Vilaine ainsi que de nombreux ruisseaux.
Pour franchir ces obstacles, il a été nécessaire de creuser 10 souterrains dans les parties hautes ( 4 km 968 de longueur totale ) et d’établir 23 siphons pour passer les vallées ( 8 km 260 de longueur totale ). Le reste du parcours en terrain plus plat ( 28 km 921 ) est en tranchées ou en relief.
Dans les tranchées ou les souterrains, l’eau circule librement dans un aqueduc de maçonnerie et elle n’atteint pas la partie supérieure du conduit. Au contraire, les siphons ou conduites forcées sont des tuyaux simples ou jumelés de 50 à 70 cm de diamètre en fonte ou en béton dans lesquels l’eau est soumise à une forte pression.
L’aqueduc aboutit à Rennes aux réservoirs du Gallet. Le premier réservoir fut établi en même temps que la conduite en 1881 - 1882 et a une capacité de 15000 m3. Le second fut construit en 1888 - 1889 et contient 20000 m3. Le troisième date de 1914-1918. Le quatrième qui est un réservoir en élévation destiné à alimenter les parties hautes de la ville fut mis en chantier en 1934 et achevé la même année.
Signalons qu’en 1933, suite à l’augmentation des besoins, des prélèvements furent faits dans le Couesnon avec la construction à Mézières d’une usine de traitement d’une capacité de 10 000 m3 par jour ( voir carte p10 ). L'eau était alors réinjectée dans la Minette : la Minette n'avait plus alors comme source unique des eaux souterraines. En 1953, lancement d’un nouveau projet : capter dans la Rance, grâce au barrage de Rophémel 30 000 m3 d’eau supplémentaires.
La Minette à Ercé
Avant de pénétrer dans notre commune par le nord, l’aqueduc de la Minette traverse d’est en ouest la forêt domaniale de St Aubin du Cormier et passe au nord de la maison forestière des Jubeauderies où les sentiers de grande randonnée ( le GR 37-39 ) balisés en rouge et blanc suivent son tracé. On peut voir tout près du croisement entre le sentier de grande randonnée et le chemin qui vient de cette maison forestière ( à la cote 101 ) les vestiges de l’ancienne construction qui servait d’abri pour le matériel d’entretien.
En suivant ces sentiers on peut voir le parcours de l’aqueduc. Il s'agit d'un aqueduc ordinaire ( voir schéma et photo ) avec parfois des aqueducs en relief souvent situés à des endroits où les changements de niveau sont nécessaires.
Ces aqueducs en relief ( dits aussi sousbaissés ) sont rectangulaires avec solins à la partie inférieure : les maçonneries qui l’entourent font 25 cm d’épaisseur et sont recouverts à l’intérieur d’un enduit en mortier de ciment de 1,5 cm. Une chape de même épaisseur empêche l’introduction des eaux en surface ( voir schéma ).
Les talus de terre que l'on peut voir et suivre notamment le long des sentiers de grande randonnée ont pour but la protection de l'aqueduc en cas de chute d'arbres comme nous l'a indiqué M. Émile Prizé, surveillant de la conduite d'eau dans les années 60 et 70.
Ces talus avec cette fonction n'existent exclusivement qu'en forêt de Haute Sève. M. Francis Hurault son prédécesseur, qui a lui-même succédé à M. Eugène Hurault ( voir Hurault " Minette " revue Au Fil d'Ercé n° 6 ) nous a précisé que ces talus permettaient aussi le maintien de la température de l'eau à un niveau plus constant.
A la sortie de la forêt au sud des Tressardières, la Minette traverse la route près de l’Aulnerais : on peut voir un des nombreux regards qui jalonnent le parcours de l’aqueduc ( il y en a 10 sur notre commune )
Ces regards permettent au personnel chargé de l’entretien de descendre et d’observer les éventuelles anomalies du réseau. Ils sont normalement pleins et doivent être vidés pour les travaux grâce à un robinet de vidange scellé dans une plaque.
Minette entre dans Ercé un peu à l’ouest de St Georges, passe à mi-chemin entre la Heronnière et l’Aubriais puis prend une orientation générale très nette du nord vers le sud avec cependant une bifurcation vers l’ouest à la hauteur des Trois Chénots en direction du Rocher aux Lodins, pour éviter la colline en suivant la courbe de niveau. Ce demi-cercle fait revenir le parcours en bas de l’ancienne carrière et on peut voir de nouveau un regard et le trop plein du siphon. Sans doute cette carrière a-t-elle fourni des roches nécessaires à la construction. De façon générale sur tout le parcours, on utilisait les matériaux que l'on trouvait sur place ou près du chantier.
Tout ce parcours est constitué d’un aqueduc en tranchée et n’est pas visible en surface ( si ce n’est grâce aux regards ). L’aqueduc en tranchée était de forme ovoïde et sa maçonnerie faisait 15 cm d’épaisseur. Depuis quelques années, en raison du mauvais état, l’ensemble a été remplacé par de gros tuyaux ciment-fonte.
De la carrière, l’aqueduc plonge tout droit vers l’Illet qu’il franchit à l’est de la Cheminée et continue tout droit vers la Ville-Jus . Il s’agit de deux tuyaux jumelés de béton ou de fonte comme ceux que l’on peut voir facilement lors de la traversée de l’Illet ( cf photo ci-contre ).
Pour tous les pêcheurs amateurs fréquentant cette vallée, ils permettent toujours d’atteindre l’autre rive de la rivière. ( voir rubrique Au Fil du temps ci-après )
Ces tuyaux ont un diamètre qui varie entre 50 et 70 cm. L’eau qui court dans les aqueducs en toute liberté arrive dans ces passages plus étroits, les tuyaux se trouvent remplis ( principe du siphon ) ce qui entraîne une augmentation de la pression donnant à l’eau une nouvelle impulsion pour continuer son parcours et passer les vallées. Compte-tenu de la longueur de ce parcours en siphon de l'air pourrait faire éclater les tuyaux. C'est pourquoi, au niveau de la Ville-Jus, il existe une cheminée d'évacuation permettant à cet air de s'échapper. Elle a été installée pendant la guerre 39-45 quand le siphon a été refait.
Ensuite l’eau recommence un parcours rectiligne vers la Lande Ragot. Elle doit franchir la ligne de crête qui va du Haut Chemin à la Chuberdière entre les Landelles et le Champ Mari. Mais vous chercherez en vain à la découvrir : elle passe à ce niveau à des profondeurs pouvant atteindre 20 mètres ! Et là c’est une véritable rivière souterraine : plus de tuyaux, plus de maçonnerie, elle court sur un " lit naturel ". Le terrain qu’elle traverse est un schiste ( une sorte d’ardoise ) qu’il a été relativement aisé de creuser mais très solide : jamais ce tunnel de 120 ans n’a connu d’éboulement.
