La Minette

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Une Minette de plus de 135 ans, cela a de quoi surprendre mais ici il s’agit d’une rivière, point de départ du premier réseau d’adduction d’eau de la ville de Rennes et qui lui a donné son nom. Cet aqueduc traverse Ercé de part en part, du nord au sud et si pour les anciens Ercéens cet ouvrage n’est pas un inconnu, il est possible que nombre de promeneurs, de randonneurs l’ait longé sans prendre conscience de l’extraordinaire construction terminée en 1882 et toujours en fonctionnement depuis 120 ans. Même si elle affleure en plusieurs endroits de la commune où l’on peut voir quelques regards et tuyaux, la plupart du temps elle constitue une véritable rivière souterraine pouvant descendre jusqu’à quelque 20 mètres de profondeur. Construire en 2 ans ( 1880 - 1882 ) un aqueduc utilisant uniquement la pente naturelle avec une dénivellation de moins d'un millimétre par métre en moyenne sur une distance de plus de 42 kilomètres représentait pour l’époque une prouesse technique. Jusqu’en 1963, la Minette fut la seule source d’alimentation en eau de la ville de Rennes. Et elle fournit toujours ses milliers de mètres cubes d’eau en complément des nouveaux captages de Rophémel ( 1963 ) et de la Chèze ( 1975 ).

L’eau : un grave problème pour Rennes au XIXè siècle

Pour comprendre l’importance de cet aqueduc, il faut se reporter aux conditions de vie d’une ville comme Rennes au milieu du 19ème siècle. A l’époque l’eau était rare dans Rennes. Par exemple, il n’y avait pas d’eau dans les casernes et les chevaux venaient s’abreuver à une sorte d’auge très longue que l’on remplissait en y faisant monter, avec une pompe, l’eau de la Vilaine ; des particuliers possédaient quelques puits et il y avait trois ou quatre puits publics. Autre solution pour s’approvisionner  : les porteurs d’eau. Ils étaient au nombre de treize et sillonnaient la ville au cri souvent répété de : " eau ! eau ! ". Pour livrer la population ils remplissaient à un tonneau leur " buire " de 17 litres. L’eau était vendue très cher et représentait une charge très lourde pour les familles pauvres.


D’autre part, l’eau était de très mauvaise qualité, contenant un taux important de sels terreux ; de plus, les égouts étaient trop petits et peu nombreux, il y avait peu de fosses d’aisance dans les maisons. Les conditions d’hygiène étaient détestables et Rennes était considérée comme une des villes les plus déshéritées. Une grande mortalité régnait à Rennes liée à des épidémies, fièvre typhoïde, dysenterie… Selon un médecin de l’époque, la moitié de la population buvait des eaux empoisonnées. Seules les industries qui utilisaient l’eau de la rivière pouvaient fonctionner, car les dépôts salins de l’eau des puits entraînaient une usure rapide des machines à vapeur, réduisant leur durée de vie de moitié. S’ajoutait à tout cela la très grande difficulté à combattre sérieusement les incendies qui étaient fréquents et faisaient de terribles ravages même s’ils n’atteignaient pas l’ampleur de celui de 1720.

Le choix de la Minette

Pourtant de nombreuses tentatives avaient été faites pour faire venir l’eau par canalisation des campagnes environnantes, notamment de la vallée de l’llle du côté de Saint-Grégoire, vers 1493. La conduite, longue de 6 kilomètres ne fut terminée qu’en 1546 mais les tuyaux en bois et en poterie éclatèrent sous la pression : ce fut un échec. Les Rennais retournèrent au vieux système et creusèrent de nouveaux puits.

Au 17ème siècle, on revint au projet de captation des sources de Saint-Grégoire mais en 1720 le travail fut en partie détruit par les perturbations dues au grand incendie qui ravagea le centre de Rennes.

Une nouvelle tentative en 1760 échoua malgré le coût important des travaux ; des erreurs de niveaux empêchèrent son bon fonctionnement. Et la disette perdura !

En 1860, Robinot de St Cyr, Maire de Rennes, demanda à Martenot, alors inspecteur des travaux du Louvre et des Tuileries de Paris, de venir faire une étude et des propositions pour alimenter Rennes en eau potable. Il repéra certaines sources vers la forêt de Haute-Sève entre les communes de Saint-Aubin-du-Cormier, Gahard, Ercé et Gosné qui pourraient débiter de 6000 à 7000 métres cubes ( m3 ) par jour et à hauteur suffisante pour amener l’eau à Rennes par gravité. Après analyse par la faculté des sciences, il fallut revenir à une triste réalité : une grande partie de ces sources était de qualité très médiocre. Martenot continua ses recherches plus au nord et quitta le bassin de la Vilaine, passa sur le versant de la Manche et arriva sur les bords de la Minette et de la Loysance : l’eau était limpide grâce au granit, avec un débit important de 16000 m3 par jour et une altitude de départ de 91 m pour une arrivée au Thabor de 55 m. Entre temps, d’autres projets virent le jour sur la Vilaine, l’Ille... mais sans résultats. Les maires de Rennes changèrent : Guistière puis Martin, et aucune décision ne fut prise. Une autre proposition fut faite par M. Gandon, propriétaire à Gosné, qui envisagea de refaire l’étang de la Bienais pour créer une retenue d'eau afin d'approvisionner la ville de Rennes.

En 1874, le conseil municipal de Rennes opta enfin pour le projet de la Minette proposé par Martenot. L’ingénieur Brière fut chargé de l’étude. Pour obtenir un décret d’utilité publique du ministère de l’Intérieur, un registre fut déposé dans chaque commune où le tracé de l’aqueduc devait passer dont Ercé. Un tollé général s’éleva contre le projet ; on craignait pour les moulins des rivières concernées qui manqueraient d’eau et aussi pour l’agriculture. La ville de Fougères créa un syndicat de défense des intérêts du pays. On fit circuler des pétitions imprimées.

En 1875, le ministre de l’Intérieur demanda un complément d’enquête suite à toutes ces agitations : cruelle déception pour les Rennais !

En 1878, des élections législatives modifièrent le paysage politique et le 30 juin 1879 parut enfin le décret d’utilité publique qui autorisait le captage des eaux de la Minette et de la Loysance. Ce fut une grande déception pour le pays de Fougères mais un triomphe pour les Rennais.

Le 28 juin 1880 Le Bastard, Maire de Rennes, mit les travaux en adjudication et seulement deux ans plus tard, en 1882, on inaugura, aux cris de " Vive Le Bastard ! Vive Martenot ! ", l’arrivée des eaux à Rennes, place de la Motte. Ce fut une grande fête.