Clocher
Le clocher ne fut construit que vingt ans après l'Eglise d'Ercé. Rappel :
• 1835... on enlève le cimetière qui entourait lʼéglise ancienne qui était orientée vers l'Est
• 1847 à 1850... on démolit lʼancienne église, datant du 16ème siècle, pour en bâtir une nouvelle orientée, celle-là, vers lʼouest. Pendant ces trois années, les offices se célèbrent du balcon du paradis, au premier étage, la foule étant massée sous des abris de fortune. On conserve cependant la tour ancienne avec deux cloches : la grosse de 350 kg, lʼautre de 228 kg.
• 1862... A la Toussaint, la grosse cloche est fêlée. On les échange ( à perte ), avec deux nouvelles cloches de 495 kg et 348 kg, qui furent baptisées le 3 juin 1863, avec les prénoms des anciennes “ Perrine ” et “ Marie-Perrine ”.
• 29 mars 1867, l'ancienne tour est démolie, les cloches sont logées sous abri. Le nouveau clocher est construit en 1868 - 1869
Sommaire
Modeste clocher de village
Telle est mon histoire simple : je ne suis qu’un modeste clocher de village qui ne se pousse point du col. Entre les deux guerres, je n’abritais que deux cloches qui n’ont cessé de carillonner pour la gloire de Dieu et les joies des hommes, de tinter pour leurs drames et leurs deuils, de les appeler pour des rassemblements heureux ou douloureux... D’aucuns diront peut-être que j’avais ( j’ai ) “ un rôle social ” ; en fait j’ai partagé la vie quotidienne des habitants d’Ercé et espère continuer longtemps, même si mes “sonneries ” ont beaucoup diminué en fréquence et en durée, certaines ayant perdu leur caractère quasiment utilitaire. A cette époque, en effet, le silence était plus grand qu’aujourd’hui dans la campagne, à peine troublé par le chant du coq ou le beuglement des vaches ; le bruit des tracteurs, le vacarme des camions et engins divers n’en constituaient pas encore le fond sonore, et le tintement de l’Angélus était entendu de beaucoup qui travaillaient dans les champs, surtout quand le vent “ portait ”. C’est ainsi qu’à “ la belle saison ” maints commis ou journaliers coupant le trèfle du matin savait s’il était dans les temps, cependant que le “ Midi est sonné ” constituait le signal pour dételer les chevaux et aller à la soupe. Certes on était bien loin de “ l’Angélus de Millet ” popularisé par le calendrier des Postes-Télégraphe-Téléphone, mais j’étais satisfait de rendre ce petit service à ceux-là qui “ marchaient au soleil ” quand les nuages cachaient le ciel.
Dominant le bourg et ses environs, je n’en étais pas moins attentif à ce qui se déroulait à mes pieds. J’ai observé et vu, entendu des conversations et des discussions, des commérages aussi, plus ou moins charitables entre “ la grande porte ” et “ le chêne de la liberté ” planté en face de moi au tout début des années vingt, lors d’une belle fête républicaine. Mais je n’ai nulle intention de bannir aux quatre coins de la paroisse tout ce dont je fus témoin au fil du temps. Cependant j’aimerais vous faire partager quelques souvenirs...
Souvenir le 1er août 1914
C’était un samedi et il faisait très beau. Tout autour de moi, dans les champs, on s’affairait à la moisson, car on savait que les hommes allaient bientôt partir. Un témoin devait noter : “ A quatre heures et demie de lʼaprès-midi des jeunes gens du bourg arri- vent à bicyclette : le tocsin sonne à Liffré et à Gosné, le décret de mobilisation est lancé ! Un quart dʼheure plus tard nos cloches sont en branle... ” (2 ). Durant les mois et les années qui suivirent cette funeste journée, je vis bien des fois le maire, souvent accompagné du recteur, partir en carriole vers les hameaux et les fermes. Avant même qu’il n’ait sorti de sa poche le “ papier officiel ” les habitants du lieu savaient qu’ils ne reverraient plus le mari, le fils ou le frère...Quant à moi j’attendais que fût achevée sa pénible mission avant de sonner le glas de ce nouvel enfant d’Ercé “ mort pour la France ”[1]
Souvenir le 3 septembre 1939
C'était un samedi, jour de la déclaration de la Seconde guerre mondiale : point de tocsin cette fois, la nouvelle étant suffisamment connue par la radio. Mais cinq ans plus tard j’allais être mis à contribution de belle manière pour saluer à toute volée l’arrivée des Américains. Un autre témoin : “ Le mardi 1er août 1944 on annonça, vers 3 heures du soir, l’arrivée des premières colonnes à St Aubin d’Aubigné. A cette nouvelle les cloches se mirent en branle et pendant trois heures elles sonnèrent la délivrance. En ce jour, une sorte de folie s’étendit sur le pays... ”Folie en effet que tous ces gens, jeunes et anciens, accourus du bourg et de la campagne, se ruant vers moi, se bousculant pour gagner l’étroit escalier, se pressant dans la tribune, cherchant à saisir l’une des cordes, voulant à tout prix sonner les cloches. En fait, j’en sais plus d’un qui se fit “ sonner ” tant étaient grandes son impatience et sa maladresse : les mains crispées sur la corde, il se trouva brutalement soulevé jus- qu’au plafond qu’il heurta violemment de la tête. On ne s’improvise pas sonneur, même un jour de liesse générale !
Souvenirs des jours paisibles
Je me souviens des jours paisibles, de ces dimanches où les enfants jouaient autour de l’église entre catéchisme et vêpres. Et aussi des enfants de chœur qui, à l’issue de l’office matinal du Samedi saint grimpaient voir les cloches de retour de Rome. Et je souris encore au souvenir du novice invité par les anciens à “ toucher la grosse ”, ce qu’il faisait naturellement ignorant que le moindre effleurement du bronze allait provoquer une vibration intense génératrice d’ondes ô combien sonores qui n’en finissaient pas de se propager. Surpris et rouge de confusion le gamin dévalait alors l’escalier sans demander son reste. Quel reste d’ailleurs ? A cette époque, les cloches n’apportaient pas d’œufs en chocolat.
Souvenirs des cérémonies extérieures
Je me souviens des manifestations et cérémonies extérieures, spécialement des processions de la Fête-Dieu. Evénement majeur dans la vie paroissiale et communale, qui voyait pratiquants et non-pratiquants participer aux décorations du bourg. Tout le parcours vers les trois reposoirs dressés au Presbytère, à l’Ecole Sainte-Marie et aux Cochelinais (par la suite dans la cour du 6 avenue de l’Illet) était bordé de bouleaux que l’on avait coupés sur des terrains privés ou (tout à fait légalement !) en forêt de Haute-Sève. C’est également là qu’avait été ramassée la mousse utilisée pour les reposoirs, selon le thème choisi qui variait chaque année. Ce qui ne changeait pas, en revanche, c’était la cohorte des “ Angelots ”, jeunes garçons en longue robe et large ceinture bleues ou roses, et filles tout de blanc vêtues, portant une corbeille remplies de pétales de fleurs dont ces fameuses digitales (appelées “ petâques ” à Ercé) que le jeudi précédant - jour de congé à l’époque - ils étaient allés cueillir le long des talus. Ces fleurs ils les jetaient devant le dais abritant le prêtre porteur du Saint-Sacrement, et lors de la bénédiction donnée à chacun des reposoirs lorsque l’officiant présentait l’ostensoir à la foule des fidèles.
Bien différentes de la Fête-Dieu, les processions des Rogations, instituées “ afin d’obtenir un temps favorable aux biens de la terre ”, étaient beaucoup moins suivies. Qui sen souvient ? Le terme est totalement inconnu du plus grand nombre, ayant disparu des almanachs et calendriers qui en faisaient mention il n’y a guère. Leur origine remonte au 6éme siècle : à la suite de calamités publiques qui s’étaient abattues sur le diocèse de Vienne, en Dauphiné, saint Mamert avait établi “ une procession solennelle de pénitence ” les trois jours précédant la fête de l’Ascension. Par une prescription du Concile d’Orléans (511) cet usage se répandit dans le reste de la France. Chez nous, de bon matin (vers les 5 heures au soleil... ou sous la pluie ) la procession quittait l’église au chant des “ Litanies des saints ” ; croix en tête, choristes en soutanelle violette ou rouge et surplis blanc, clergé (recteur et vicaire, avec éventuellement un chantre s’il habitait dans le secteur concerné) et un petit groupe de paroissiens se dirigeaient vers l’un des calvaires les moins éloignés du bourg, Le premier jour c’était celui de la Cheminée, route de St Aubin ; il s’agissait, à l’époque, d’une grande croix en bois, remplacée en 1941 par un élégant calvaire de granit. Le mardi, la Croix de la Sudairie, érigée en bordure de la route de Gosné, accueillait la procession ; elle est aujourd’hui disparue. Enfin, la veille de l’Ascension, c’est la Croix de l’Ecu, ou le Calvaire du Pont qui voyait se dérouler la dernière cérémonie. ( Il fut un temps où l’antique Croix du Champ-Thébault était également visitée ). Pour l’occasion calvaires et enclos avaient été nettoyés et ornés de fleurs des jardins et des champs par les voisins, lesquels attendaient autour de la croix l’arrivée de la procession, avant de se joindre à elle pour le retour à l’église. Sur le parcours, à l’entrée des chemins, quelques personnes venaient grossir les rangs des fidèles, puis tout le monde assistait à la messe des Rogations.
Notes et Références
- ↑ Sur le monument aux Morts sont gravés les noms des 58 Ercéens tombés lors de la Première Guerre Mondiale, et des 5 victimes de la Seconde